Nous refusons de participer à la mascarade des européennes

3 mai 2019

Alors que les partis politiques ont jusqu’à ce vendredi 3 mai pour déposer leurs listes pour les élections européennes du 26, Djordje Kuzmanovic, président de la République souveraine, affirme que les résultats de cette élection ne changeront rien.

Le 26 mai prochain, les Français sont appelés aux urnes pour élire les représentants qu’ils vont envoyer au Parlement européen. Alors que notre pays vit un mouvement de protestation sociale sans précédent – six mois de manifestations des gilets jaunes –, la politisation qui l’accompagne n’a aucun effet sur l’intérêt, ou plutôt le désintérêt des Français pour cette élection. Selon les derniers sondages, l’abstention devrait être massive.

Les forces en compétition ont pourtant tout fait pour tenter de politiser cette élection. Le parti du pouvoir s’est ainsi efforcé de présenter le choix s’offrant aux électeurs comme celui entre progrès et repli nationaliste – un affrontement global qui dépasserait le cadre national et se manifesterait partout en Europe. Les partis d’opposition, le Rassemblement national et la France insoumise en tête, ont essayé de convaincre les électeurs qu’il s’agissait de faire de cette élection un référendum anti-Macron.

Outre le manque d’enthousiasme que suscitent manifestement aujourd’hui dans l’opinion publique l’ensemble des candidats, c’est l’élection elle-même qui semble pourtant souffrir d’un discrédit important. Ainsi, la hausse de la défiance à l’égard de l’Union européenne, qui transparaît dans les revendications des gilets jaunes, ne se traduit pas par la progression des listes perçues, à tort ou à raison, comme eurosceptiques, comme le RN ou la FI, mais par l’augmentation de l’abstention. Une des initiatives politiques globales du mouvement, “l’Assemblée des assemblées des gilets jaunes” réunie à Saint-Nazaire début avril, condamne d’ailleurs toutes les tentatives de constitution de listes au nom des gilets jaunes et refuse de donner la moindre consigne de vote, appelant plutôt à “tourner en dérision cette mascarade électorale”.

Le peuple français l’avait, au demeurant, déjà bien compris en 2005. N’est-ce pas pour cela que les européennes sont depuis longtemps les élections où les Français s’abstiennent le plus ?

On ne peut pas donner tort à cette assemblée improvisée qui fait preuve d’une conscience aiguë de l’inanité de l’exercice. Dénonçant le caractère antidémocratique et ultralibéral des institutions européennes, elle résume en trois phrases l’absurde de la situation : “Le parlement européen que nous élisons n’a même pas le pouvoir de proposer une loi ! La Commission européenne décide de tout sans aucun contrôle démocratique. Les institutions européennes sont soumises à la pression de 25 000 lobbyistes pour la seule capitale européenne !” Le peuple français l’avait, au demeurant, déjà bien compris en 2005. N’est-ce pas pour cela que les européennes sont depuis longtemps les élections où les Français s’abstiennent le plus ?

Si on laisse de côté les européistes convaincus, tels les fidèles de LREM qui ne voient rien à redire à la situation, l’argument habituellement avancé par les formations critiques de l’UE pour défendre leur participation à la course – leurs élus devraient « peser » au Parlement européen, ensemble avec leurs homologues des autres pays membres, pour tenter d’infléchir la politique menée par la Commission – laisse songeur quand on sait la faiblesse du poids institutionnel du Parlement. Certes, les élus européens apportent des financements et des bras aux formations politiques, et multiplient leurs occasions de s’exprimer dans le débat public ; ils représentent aussi, pour bien des responsables politiques, une chance de se caser et d’exister, matériellement et médiatiquement. Mais – les gilets jaunes l’ont parfaitement résumé avec des mots simples – l’utilité de cette élection s’arrête là.

Nous refusons de participer à ce que les gilets jaunes ont bien raison de qualifier de mascarade. 

De fait, plus une organisation politique est critique vis-à-vis des institutions européennes, plus sa participation à cette élection est incohérente. En effet, participer à une élection c’est reconnaître la valeur de cette élection et de l’instance dont il s’agit de désigner les membres. C’est pourquoi, dans les élections nationales (présidentielle, législatives, régionales, municipales…), les républicains convaincus ne sauraient appeler à l’abstention. En cas de désaccord avec l’ensemble des candidats, seul l’appel au vote blanc peut apparaître acceptable. Le cas des élections européennes est unique : il s’agit là d’élire les membres d’une institution sans pouvoir se rapportant à une instance supranationale dont la légitimité fait débat. Pour les mouvements qui la contestent, au nom de la souveraineté nationale, l’appel au boycott est de fait la seule option justifiable et réellement politique. En effet, il ne s’agit pas (seulement) de critiquer les différents candidats, mais cette élection elle-même : son fondement et l’instance qu’elle sert à constituer.

C’est dans cette logique que se place le mouvement République souveraine. Le fait que les Français soient appelés, le 26 mai prochain, à élire leurs représentants au Parlement européen se fonde sur le déni du vote au référendum de 2005 – le “non” au traité sur le TCE. Nous refusons de le cautionner. Les élus ainsi envoyés dans cette instance sans pouvoir n’auront aucun moyen – ni institutionnel ni matériel – de “peser” face aux puissants intérêts privés qui orientent les politiques de l’UE en leur faveur. Nous refusons de participer à ce que les gilets jaunes ont bien raison de qualifier de mascarade.

En ce jour limite de dépôt des candidatures, République souveraine souhaite contribuer à sa notoriété, mais aussi à son intelligibilité car pour un citoyen qui s’intéresserait à la question, les données publiques sont largement incompréhensibles tant le système des lobbies est complexe.

Peu importe qui sera ou ne sera pas élu au Parlement européen le 26 mai, peu importe quelle liste française aura 8, 15 ou 23 % : les vraies forces qui façonnent et continueront à façonner les directives européennes ne s’appellent ni François-Xavier Bellamy, ni Manon Aubry, ni Jordan Bardella ; mais Business Europe, European Chemical Industry Council (Cefic), Google, Monsanto, Pfizer, Bayer, Nestlé, UBS et Goldman Sachs. La liste des lobbies œuvrant auprès des instances européennes est publique, tout comme le sont les sommes colossales qu’ils investissent dans leur travail de persuasion. Mais comme bien des choses pourtant publiques, elle est de fait peu consultée et peu connue – et suscite donc peu d’émoi. En ce jour limite de dépôt des candidatures, République souveraine souhaite contribuer à sa notoriété, mais aussi à son intelligibilité car pour un citoyen qui s’intéresserait à la question, les données publiques sont largement incompréhensibles tant le système des lobbies est complexe.

Nous publions donc aujourd’hui sur notre site la liste de 79 “candidats” – quelques grosses têtes d’affiche parmi les 11 500 lobbies officiellement enregistrés – qui n’auront pas besoin d’être élus pour imposer à l’UE le cours ultralibéral qui leur est profitable. Dans les semaines qui viennent, nous publierons des informations sur le rôle capital qu’ils jouent dans les rouages de la machine européenne, loin de l’impuissance de nos élus. Certains d’entre eux ont leur siège social dans un des pays membres, d’autres outre-Atlantique ou ailleurs ; tous n’ont que faire des frontières et travaillent à détruire le droit national. Personne ne votera pour eux le 26 mai, mais quel que soit le verdict des urnes, ce sont eux qui l’emporteront. Dans ce contexte, cette élection est un épiphénomène. Ceux qui souhaitent redonner à nos concitoyens le contrôle sur leur destin doivent concourir aux postes électifs dans le seul cadre démocratique qui existe, celui de la Nation, et cesser d’avaliser la comédie européenne qu’on nous ressert tous les cinq ans.

Djordje Kuzmanovic
Président de République souveraine
Version originellement publiée sur le site Mariane.fr le 3 Mai 2019.

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