La loi de sécurité globale est dangereuse

11 décembre 2020

La loi de sécurité globale adoptée en première lecture avec modification par l’Assemblée Nationale le 24 novembre dernier suscite aujourd’hui un tollé légitime dans la société par ses dérives liberticides. Si l’article 24 procède d’une volonté légitime de protéger les forces de l’ordre des actes malveillants, les contreparties, comme le port obligatoire d’un matricule d’identification et d’une caméra, sont inexistantes, ce qui lui donne son caractère illégitime. Il convient de souligner que la loi, dans sa totalité, est frappée du sceau de l’injustice.

L’article 24 qui modifie la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse sanctionne lourdement les personnes coupables de « diffusion du visage ou de tout élément d’identification des membres des forces de l’ordre en opération, dans un but malveillant ». Les contrevenants écoperaient alors d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende. Les dérives liberticides de cette loi seront très largement sujettes à une large interprétation sur le terrain par quiconque serait trop zélé ou peu scrupuleux, et renforceront encore les dérives violentes de la part d’une minorité dans la police nationale – qui devra être combattue par tous les moyens.

Pour autant, les autres dispositions de la loi portent tout autant atteinte aux libertés des citoyens et au bon sens républicain, et auront des implications pour les Français non pas en manifestation, mais dans leur quotidien:

— La police municipale poursuit son évolution sécuritaire, et pourra, après expérimentation, dresser des procès-verbaux, ou encore, procéder à la saisie d’un véhicule. Instrument électoral de nombreux maires qui construisent leur capital politique sur la lutte contre l’insécurité, la police municipale, par son aspect local, est soumise aux jeux d’acteurs locaux, et par conséquent, ne pourra pas être impartiale. Pour fonctionner, la justice et la police ne doivent servir que l’intérêt général, et ne doivent donc pas s’ancrer trop fortement au niveau local, sous peine d’être dépendantes de réseaux qui poursuivent d’autres buts que l’intérêt général. En ligne de mire, la perspective d’une police à plusieurs vitesses, l’une nationale, l’autre locale, un système qui ressemblera de plus en plus à celui des États-Unis, et des bavures policières dont la mort de Georges Floyd n’est que le dernier grand exemple en date.

– Par ce projet de loi, le gouvernement prévoit de renforcer l’utilisation des entreprises de sécurité privée dans le cadre de maintien de l’ordre, en prévoyant en retour un renforcement des contrôles de ses agents (parler la langue française, résider depuis 5 ans à l’intérieur du territoire), et un durcissement de l’obtention de la carte professionnelle. En prévision de la coupe du monde de rugby et des JO de 2024, cette loi est donc faite pour faciliter le recours en masse à la sécurité privée. Là encore, des dérives liberticides et des petits arrangements locaux éloignent cette loi de l’intérêt général qui est mis à mal. Par exemple, dans le sud de la France, des gérants d’entreprises de sécurité privée sont liés… au milieu du grand banditisme. On est ici bien loin, in fine, de la préservation du bien commun et de la sécurité des citoyens, et bien plus proche d’une compromission avec ces milieux qui assureraient alors des missions de sécurité publique… de même, malgré les dispositions prises par le gouvernement, il sera impossible de contrôler totalement des organismes privés en cas de bavures de leurs agents. De manière générale, partout où des organismes de sécurité privée sont actifs dans le monde, la sécurité des territoires concernés tend à se dégrader.

– De même, la loi prévoit que les citoyens coupables d’infractions, qui relèvent d’actes violents, envers un élu, un gendarme, policier ou un sapeur-pompier ne bénéficieront pas de remises de peine. La loi va donc créer un effet pervers : celle d’une justice à deux vitesses, où les infractions commises contre un élu ou contre les policiers, gendarmes et pompiers n’auront pas le même impact pour les contrevenants que si l’infraction avait été réalisée sur un citoyen qui n’appartient pas à ces catégories. Pourtant, la justice, dans notre État de droit, se doit d’être égale pour tous les individus, sans distinction de sexe, de race, de statut social, ou encore de profession. Cette disposition ne fait qu’ouvrir davantage une brèche contre nos libertés individuelles.

– Dernier point, l’usage des drones, dont on a pu voir les balbutiements dans la capitale, est dorénavant réglementé par cette loi. Ces machines peuvent être donc utilisées et peuvent filmer légalement dans les lieux publics en cas de risque de trouble à l’ordre public, mais aussi face aux actes terroristes ou encore dans la surveillance des littoraux et des secours en personne. Si la loi prévoit, en théorie, que la vie privée sera protégée et que nos concitoyens seront informés « par tous les moyens » lors de l’utilisation des drones, la partie pratique sera bien plus complexe : un tel engin volant pourra-t-il filmer le balcon d’un appartement, un jardin individuel, ou tout espace ouvert qui sera susceptible d’être visualisé depuis le ciel ? Par ailleurs, le droit à l’information ne précise à quelle date ces drones seront utilisés ni le support par lequel nos concitoyens seront informés.

Par essence, cette loi est donc liberticide. Elle va bouleverser notre quotidien, nos relations avec les forces de sécurité, dont une part sera privée. Notre quotidien, indépendamment de l’article 24, en sera donc considérablement affecté. Dans beaucoup de cas, la loi présente des approximations à l’écriture qui laisse le champ à toutes les interprétations de la part des forces de l’ordre et des agents de sécurité privée susceptible de dresser un procès-verbal.

À République Souveraine, nous pensons que le sens du devoir et l’honneur de la police sont des mots forts, et que les excès que l’on voit actuellement sont le fait d’individus fanatisés et sans garde-fous, que le gouvernement actuel, au travers de cette loi, enlève un peu plus chaque jour. En ce sens, les déclarations d’Emmanuel Macron et de Gérald Darmanin sur l’agression de Michel Zecler par des policiers le 21 novembre les déshonorent vu qu’ils mettent tous leurs efforts à accroître des dispositions qui vont encourager ce genre d’acte brutal.

La question sécuritaire est d’une importance capitale pour nos concitoyens. Elle garantit leur confiance envers les institutions, leur permet de réfléchir sereinement à leur futur, professionnel, familial, comme personnel. Il est donc normal que la puissance publique, garante de l’intérêt général, cherche des solutions en ce sens. Pour autant, le respect de nos libertés individuelles, de notre vie privée, de notre intégrité physique, morale, et mentale est un fondement essentiel de toute société humaine éclairée. Naviguer entre liberté et sécurité est une ligne de crête, et seul un positionnement résolument républicain, universaliste, et profondément attaché à l’État de droit permet le juste équilibre entre les deux notions. Nous en sommes conscients à République Souveraine. Nous ne pouvons pas en dire de même pour le reste du monde politique.

Commission Affaires intérieures de République souveraine

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