Quand le gouvernement réprime les pompiers, c’est la France entière qu’il humilie

23 octobre 2019

Retour sur la répression subie par les pompiers ce mardi 15 octobre lors de leur manifestation à Paris.

Crédits : Pablo Azevedo

Une ligne rouge a été irrémédiablement franchie. On ne reviendra pas en arrière. Un gouvernement digne de ce nom et du respect des Français ne réprime pas aveuglément et avec une telle violence ses pompiers et ses urgentistes, qui ne font que réclamer des moyens supplémentaires pour continuer à sauver des vies. La dérive néolibérale de cette petite oligarchie qui détruit l’État et la France devient grotesque.

Je crois que depuis hier, 15 octobre, les Français, dans leur vaste majorité, ressentent une sourde colère. Aujourd’hui, le président Emmanuel Macron et son gouvernement ont perdu toute légitimité. Leur pouvoir ne repose plus sur le consentement moral des citoyens à être gouvernés – il ne tient plus que par la force, une vague légalité et la sobriété du peuple de France face à ce qui se passe.

Chaque Français connaît au moins une personne plus ou moins proche qui doit sa vie aux pompiers et aux urgentistes

Par ailleurs, l’image de notre pays à l’étranger est durablement écornée – on ne réprime les professions qui viennent en aide à tous que dans des régimes dictatoriaux. Aujourd’hui, des milliers de pompiers en colère sont descendus dans les rues de Paris pour manifester et crier leur ras-le-bol, leur fatigue et réclamer l’amélioration de leurs conditions de travail qui deviennent plus pénibles chaque année.

Légitimement, les pompiers dénoncent le manque de moyens, d’effectifs (les 80% de pompiers bénévoles en province opèrent dans des conditions indécentes) et de reconnaissance, mais également la réforme des retraites qui va durement les impacter, ou encore les inacceptables agressions qu’ils subissent au quotidien dans l’exercice de leur métier au service de tous les citoyens. C’est de manière très mesurée que les pompiers demandent une augmentation de 10% de leur prime de feu, car leur retraite sera divisée par deux.

C’était également une journée de mobilisation des 267 services d’urgences toujours en grève pour des raisons à peu près similaires. Ce n’est pas pour rien que cette profession est sûrement une des plus aimée des Français – on s’en rend compte à chaque 14 juillet. Ce sont les véritables héros du quotidien. Chaque Français connaît au moins une personne plus ou moins proche qui doit sa vie aux pompiers et aux urgentistes. Sans eux, c’est tout simplement l’ensemble de la société qui ne fonctionnerait pas.

Ce gouvernement ne comprend-il pas que lorsque les pompiers et les urgentistes manifestent, ils ne le font pas que pour eux-mêmes ou pour défendre leurs intérêts professionnels, mais qu’ils manifestent aussi au nom de tous les Français pour la défense d’un service public de qualité ? Ils ont un mandat spontané et naturel de la quasi-totalité des Français, même de ceux qui ne le formalisent pas consciemment.

Même un trader millionnaire, hautain et méprisant, dont l’activité de nuisible détruit la société, est soulagé d’entendre la sirène et de voir le gyrophare des pompiers quand son visage est encastré dans le pare-brise de sa Porsche !

Est-il acceptable que les métiers les plus utiles, qui devraient être les plus valorisés, c’est-à-dire ceux qui viennent en aide aux autres, pompiers et urgentistes, soient ainsi foulés au pied ? Mais quelle honte de traiter ainsi des hommes et des femmes qui meurent ou sont gravement blessés dans le seul but de sauver des vies ! Ce gouvernement des riches se rend-t-il même compte que ces pompiers exercent un métier véritablement à risque : eux et leur famille doivent vivre chaque jour avec la crainte que ce sera peut-être le dernier ? 240 000 hommes et femmes prennent ces risques chaque jour pour la collectivité, alors qu’à peine 30 000 d’entre eux sont professionnels.

Comment peut-on faire subir des violences policières à ceux dont la devise est “Sauver ou Périr” ?

Mais, cette journée de colère légitime s’est achevée dans une répression sans commune mesure, insensée.

Des pompiers blessés ;

Des pompiers ensanglantés ;

Des pompiers gazés, y compris à bout portant dans la bouche ;

Des pompiers sur lesquels les forces de désordre ont tiré avec des canons à eau ;

Des pompiers sur lesquels la police a tiré à la grenade explosive, avec des LBD et menacé de tirer à tir tendu et à bout portant dans le visage ;

Des pompiers à genoux, mettant les mains sur la tête pour protester symboliquement et pacifiquement contre ce déferlement de violence.

Quelle va être la justification du gouvernement, cette fois ?

Que les pompiers sont de dangereux factieux, des casseurs ?

Qui va les croire ?

LES VRAIS RESPONSABLES

La responsabilité individuelle de certains policiers est engagée. Ont-ils oublié leur propre jour de colère, il y a peu, compris et soutenu par bien des citoyens ? Mais les vrais responsables directs sont Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur et le président Emmanuel Macron en dernier ressort. Personne n’est dupe et personne ne croira que l’ordre n’a pas été donné tout en haut de réprimer violemment les pompiers.

Comment peut-on faire subir des violences policières à ceux dont la devise est “Sauver ou Périr” ?

Il y a des interdits qu’on ne saurait transgresser en démocratie, tout “jupitérien” que l’on soit

La réponse est tragiquement simple : ce gouvernement est prêt à tendre la situation sociale, à réprimer plutôt que de revenir sur les politiques néolibérales insufflées par la Commission européenne et qui détruisent les bases de notre République, du vivre ensemble et de l’Etat. Il apparaît clairement que ce gouvernement ne négociera jamais avec le corps social – ou alors facticement. L’objectif d’Emmanuel Macron et de sa clique reste la destruction du code du travail, des retraites, des services publics, le rabougrissement de la sécurité sociale et de la vie elle-même, la privatisation de tout ce qui pourra l’être, d’Alstom aux Aéroports de Paris, de la Française des jeux au barrages hydroélectriques ; le gouvernement souhaite poursuivre le non financement de l’hôpital et le non recrutement des effectifs nécessaires chez les pompiers, dans la santé, dans la police ou l’Education nationale. La répression du mouvement des Gilets Jaunes qu’a remémoré la journée du 15 octobre lui donne l’impression d’avoir réussi et d’avoir carte blanche.

Mais le sentiment d’impunité des banksters et l’image trop belle mais fausse renvoyée par des médias obséquieux finissent par faire commettre de tragiques erreurs. Il y a des interdits qu’on ne saurait transgresser en démocratie, tout “jupitérien” que l’on soit. Cette répression était la ligne rouge à ne pas franchir, on ne touche pas aux pompiers.

  • Djordje Kuzmanovic Analyste géopolitique et président de République souveraine.

Version originellement publiée sur le site Marianne.net le 16 Octobre 2019.

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