Elections générales en Espagne : la fin du populisme de Podemos ?
Le vieux parti socialiste espagnol (PSOE), rénové par le président du gouvernement Pedro Sánchez, triomphe. La droite se divise avec l’irruption d’un jeune parti nationaliste, Vox – 10,3 % des voix –, qui récupère, grâce à son discours anti-séparatisme, une bonne partie de l’électorat du parti populaire dont il représente une scission. Avec un score de 14,4 %, Podemos et ses multiples alliés se voient relégués au rôle d’auxiliaire d’extrême-gauche du futur gouvernement socialiste, lequel a annoncé vouloir gouverner seul. On est loin du « sorpasso » rêvé en 2015…
Pourquoi cette déroute du premier parti européen à avoir théorisé le populisme et l’abandon de la polarisation gauche/droite au profit d’un affrontement « les gens »/« la caste » ? C’est que ces idées, peu appliquées en pratique par le passé, ont été largement abandonnées ces dernières années. Avec l’exclusion en janvier 2019 d’Íñigo Errejón, dont les velléités d’autonomie locale dans sa campagne aux élections régionales ont déplu à la toute-puissante direction, c’est la dernière voix réellement favorable à un discours majoritaire qui a été réduite au silence.
Podemos est revenu à ce qui a toujours été son ADN idéologique, celui d’universitaires d’extrême-gauche incapables de parler au retraité de l’Espagne vide – cette España vacíaqui a cherché à se faire entendre pendant la campagne –, au paysan estrémègne humilié par le mépris des indépendantistes catalans, à l’ouvrier qui aime la corrida même s’il aime aussi son chien. Car Podemos s’est perdu dans un combat animaliste qui semble assez peu prioritaire dans un pays aux inégalités aussi criantes ; il a changé le nom de sa coalition en Unidas Podemos(unies, nous pouvons), croyant par la grâce d’un « a » à la place d’un « o » convaincre des femmes qui préfèrent des preuves concrètes aux affichages de communication ; il a surtout été incapable de comprendre que le droit à l’autodétermination des Catalans, qu’il soutient par réflexe historique – la République de 1936 était une alliance de circonstance entre la gauche et les nationalismes périphériques –, ne pouvait qu’inquiéter, voire blesser une grande majorité d’Espagnols, quelle que soit leur origine idéologique. Si l’important est de défendre « les gens » contre la caste, pourquoi en effet considérer comme légitime un sentiment nationaliste exacerbé qui désigne l’Espagne comme l’ennemi et rassemble dans un même camp les héritiers de l’ultra-corrompu Pujol et des néo-anarchistes ? Si la Constitution de 1978, résultat d’un compromis avec une dictature, mériterait sans doute d’être revue, les méthodes des séparatistes, qui les ont conduits en prison ou en exil, sont loin d’être les meilleures pour y parvenir.
Alors qu’au niveau national, la dérive gauchiste de Podemos semble irréversible, les expériences municipales qu’il soutient localement demeurent. A Madrid, à Barcelone, à Cadix, les villes sont mieux gérées, les services publics renforcés, les habitants placés au centre des préoccupations des pouvoirs publics, sans surcharge idéologique. C’est sans doute pour cela qu’Íñigo Errejón, marginalisé lors du dernier congrès de Podemos, avait souhaité se concentrer sur les élections à la Communauté de Madrid, qui auront lieu le 25 mai en même temps que les municipales et les Européennes. Espérons sa victoire et espérons que de la plateforme Más Madridqu’il partage avec la maire de Madrid Manuela Carmena, émerge un mouvement qui cherche à défendre de nouveau la gente, à parler aux 90 %, et non à cultiver le petit jardin confortable et connu de la gauche de la gauche irrémédiablement minoritaire.